Prise de parole vivifiante, qui donne les clés d’un management et d’une communication renouvelés, innovants, centrés sur l’humain « en vrai ».
«Enthousiasmez vos collaborateurs, et vous aurez les meilleurs résultats, les meilleurs services».
Vineet Nayar, patron inspirant, auteur du best-seller mondial « Les Employés d’abord, les Clients ensuite » était invité par Charles-Henri Besseyre des Horts, et la FNEGE, à l’amphithéâtre de la MGEN le 30 novembre dernier. Il intervenait à l’occasion de la réédition enrichie de son livre*, intelligemment illustré par Etienne Appert.
Sa conférence, intitulée « vers un leadership authentique et créateur de sens » a été l’occasion pour lui de partager les convictions simples du dirigeant de terrain qu’il a été de 2005 à 2013 chez HCL Technlogies, et qui ont propulsé son entreprise aux premiers rangs mondiaux.
Mettant « en vrai » l’humain au cœur de l’entreprise, son action est particulièrement inspirante à l’heure où nous devons réinventer nos métiers de communicants, innover, réenchanter l’interne.
Lorsque Vineet Nayar, en 2005, prend la direction de HCL Technologies, la société de services informatiques indienne de 30 000 collaborateurs fait du sur place. Elle est même sur le point de se faire doubler par ses concurrents, qui prospèrent. Cinq années plus tard et malgré la crise de 2008, la société a triplé son chiffre d’affaires, elle est devenue un acteur mondial de premier plan, et tous les voyants sont au vert.
Quels nouveaux services la société a-t-elle inventés durant cette période ? Aucun. A-t-elle conquis un nouveau marché ? Non. A-t-elle développé des programmes de satisfaction client ? Pas davantage. Alors quelle innovation lui a permis cette réussite mondiale ?
Au cœur du changement, les salariés de la « zone de création de valeur »
Tout commence alors qu’à peine nommé P-DG, Vineet Nayar découvre, lors d’échanges avec ses clients, que ceux-ci « voyaient plus de valeur dans les personnes, les employés qui leur fournissaient les services, que dans les services et les technologies en eux-mêmes ». Germe alors chez ce dirigeant sensible, pragmatique et visionnaire l’idée que « lorsqu’une entreprise fait passer ses employés en premier, c’est en réalité le client qui se retrouve mis en avant et en retire le plus d’avantages, et d’une manière bien plus performante qu’à travers les programmes de services client traditionnels ».
Il va donc concentrer son attention sur ces salariés situés dans ce qu’il nomme la « zone de création de valeur de l’entreprise ». Ce sont ceux qui, en relation avec le client, se trouvent bien plus que le management ou l’équipe de Direction à l’épicentre de la réussite ou de l’échec commercial de l’entreprise. Et il forme alors le projet d’inverser les responsabilités : faire en sorte que progressivement les managers et les fonctions support se mettent au service de ces salariés-là. Il fait le pari qu’ainsi placés au centre du système, fiers d’être considérés, respectés, aidés et soutenus par toute l’entreprise, ces salariés se dépasseront pour offrir la meilleure expérience client.
Se regarder dans le miroir pour créer l’aspiration au changement
Mais il lui faut d’abord mettre l’entreprise en mouvement et pour cela susciter le désir de changement, dans une organisation coincée par des lourdeurs fortes et un management pesant.
Il va pour cela avoir une deuxième intuition : pour que toute l’entreprise partage le même désir de changement, il faut oser regarder tous ensemble la réalité en face. Il va mettre en place un exercice de transparence qu’il baptise « Miroir, mon beau miroir » « avec les employés à tous les niveaux de l’organisation pour les amener à mettre en évidence les problèmes importants dont tout le monde connaît les tenants et les aboutissants, mais qui n’ont jamais été reconnus publiquement ». Dire tout haut la réalité de la situation, fédérer autour de cette vision pour donner l’impulsion, l’envie de transformer l’entreprise. Ce miroir, dans lequel tout le monde est invité à se regarder, est chargé de montrer sans concessions « combien nous sommes laids », dit-il, pour créer l’envie urgente d’agir.
Inverser la responsabilité
L’entreprise est finalement prête à bouger, il va donc pouvoir progressivement inverser les responsabilités. « La responsabilité inversée signifiait simplement que nous voulions que certains éléments de la hiérarchie rendent un peu plus de comptes à la zone de création de valeur. » Les postes fonctionnels se virent donc intégrés dans un processus « SSD » de service client interne. Un système d’évaluation à 360° a été progressivement déployé puis repensé comme outil de développement permettant de passer d’une culture du feedback à une culture du « feed forward ». Ces outils servirent à mettre en branle des changements managériaux profonds : « les nouvelles responsabilités ne sont pas déterminées par la position dans la hiérarchie traditionnelle », « la valeur d’un manager se mesure à sa sphère d’influence, pas à sa zone de contrôle hiérarchique, dirigeants compris » explique-t-il.
Mais Vineet Nayar va encore plus loin dans le renversement de la pyramide. Constatant qu’il reçoit encore trop de questions de ses collaborateurs qui attendent de lui qu’il résolve tout, il décide de créer sur le portail de l’entreprise -sur lequel il avait déjà abondamment ouvert les vannes de l’information, y compris celles réputées confidentielles – un espace « mes problèmes ». Sur cet espace, il commence lui-même à poser aux salariés les questions qu’il se pose, les difficultés de dirigeant qu’il ne parvient pas à résoudre. Les propositions de solutions affluent de toutes parts en quelques heures. C’est le moment de bascule, la pyramide s’inverse. Car en déclarant simplement « je ne sais pas », il invite à un nouveau partage des responsabilités. « Si le dirigeant ne voulait pas ou ne pouvait pas répondre à toutes les questions des employés, et si il leur demandait des réponses auxquelles il était confronté, n’étions-nous pas en train de redistribuer, de partager la responsabilité ? Cela ne signifiait-il pas que tous les membres de l’entreprise devenaient responsables de la création de valeur dans la zone en question ? »questionne encore Vineet Nayar.
Peu à peu la confiance s’est instillée à tous les niveaux, les équipes ont commencé à imaginer leurs propres solutions, sont devenues porteuses de la transformation qui a assuré le développement exponentiel de l’entreprise.
Ce que Vineet Nayar a réussi, c’est d’établir une culture de la confiance pour une organisation vivante, moteur d’innovation. « L’innovation ne passe pas par des machines, ni par l’IA. Pour promouvoir la culture de l’innovation, toute organisation a besoin d’un personnel en quête de « fuites à réparer » . C’est-à-dire de femmes et d’hommes intéressés à la vie de leur entreprise, désireux d’agir, pour la rendre plus performante.
Pour une communication interne inspirée par « EFCS »
Cet exemple inspirant m’amène depuis plus de 5 ans à requestionner sans relâche notre métier de communicant interne, à rechercher ses voies de professionnalisation, pour qu’il gagne en efficacité et en utilité pour l’entreprise. Pour qu’il contribue à faciliter le travail des centres de profit de l’entreprise (les zones de création de valeur) plutôt que de n’être que ce centre de coûts à qui l’on coupe les vivres aux premières difficultés budgétaires.
Voici le fruit de ces questionnements, sous forme d’invitations à l’action dont chacune et chacun s’inspirera, s’il y voit ici ou là une forme de pertinence, en écho à ses préoccupations.
1/ IDENTIFIER LA BONNE CIBLE INTERNE. Construire une communication interne utile aux salariés de la zone de création de valeur, c’est-à-dire ciblée sur leurs besoins d’information, sur les moyens et le temps dont ils disposent réellement pour s’informer. Cela écarte certains programmes et outils « à la mode » qui n’embarquent le plus souvent que les équipes des sièges, mais restent inaccessibles aux opérationnels. Cela pousse aussi à positionner le métier au plus près du cœur d’activité de l’entreprise : se déplacer souvent, apprendre à connaître les métiers opérationnels, « la vraie vie », plutôt que de se maintenir sur les moquettes confortables du 5ème étage du siège…
2/ MIROIR, MIROIR … Inviter sans relâche les dirigeants à brandir le miroir, à exprimer les difficultés de l’entreprise plutôt qu’à laisser croire que tout va bien ; leur proposer, au moins, d’accuser réception des craintes et des questions qui s’expriment et que la communication interne entend au quotidien. Parce que ces salariés du « cœur de métier » sont bien plus conscients des difficultés que ne le pensent les états-majors, et parce qu’ils seront d’autant plus prêts à s’engager qu’ils se sentiront dans le même bateau, aux côtés de dirigeants en qui ils peuvent avoir confiance.
3/ RENVERSER SA PROPRE VISION DU CLIENT. C’est à dire, renverser sa vision du métier : le client de la communication interne n’est pas le P-DG, ni le DRH, ni aucun autre dirigeant. Mais la communication interne a, avec ceux-ci, un client commun à convaincre et à embarquer, qui est le collaborateur de la zone de création de valeur. Ceci est un élément clé de l’exercice du métier, qui aide à sortir de l’ornière du simple exécutant dans laquelle il bute depuis des années. Cela favorise un positionnement à forte valeur ajoutée, de conseil stratégique.
4/ INVERSER LES RESPONSABILITES. Proposer aux salariés de s’approprier vraiment la stratégie de l’entreprise, ou ses grands projets, en en devenant acteurs. Comment ? Communiquer non pas sous forme d’affirmations pensées depuis le haut, mais en rendant les sujets vivants, malléables, organiques. Des contenus que chacun pourra s’approprier, quel que soit son métier. En faire des sujets ouverts, construits sous forme de questions et solliciter les idées avec des dispositifs simples – inutile pour cela de lancer des usines à gaz-.Tous les sujets de l’entreprise sur lesquels il faut communiquer comportent un volet sur lequel il est possible d’impliquer les collaborateurs.
5/ NE PAS CHERCHER LE SENS LA OU IL N’EST PAS…Vineet Nayar, questionné en fin de conférence sur sa vision du leadership, a répondu en souriant : « Le leadership ? Je ne sais pas ce que c’est. Je ne suis pas un gourou du genre. Ce que je sais, c’est que les salariés n’ont pas besoin d’être gérés, ils ont besoin d’être inspirés et qu’on leur fasse confiance. Après, à chacun sa recette ». Il ajoute enfin, questionné sur les sujets de bien-être au travail et d’entreprise libérée : « Attention, ce que recherche une entreprise, c’est la haute performance. Ce que j’ai fait, je l’ai fait dans ce but. Le management est au service des salariés, les salariés sont au service du client. Il ne faut pas se tromper, nous sommes des entreprises, pas des fondations. »
Cette dernière réflexion en forme d’humble conclusion doit rappeler à tous les managers et à tous les communicants qu’il n’est guère utile de chercher le sens … quand on l’a sous les yeux, à portée de main et qu’il s »appelle la performance? Evident, vivifiant !
*Les employés d’abord, les clients ensuite – Vineet NAYAR – Editions Diateino
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