Je forme l’hypothèse dans cet article que l’on a commis trois « erreurs originelles » avec ce qu’il conviendra bientôt de nommer la « Génération zéro » des RSE, celle qui se sera doucement éteinte peu avant 2020. Et je propose de faire le pari qu’il est possible de réduire la voilure de l’ambition qu’on leur attribue, à petits pas simples, efficaces et durablement efficaces.
L’étude IGS/BDO sur l’usage réel des Réseaux Sociaux d’Entreprise publiée il y a quelques jours fait réagir. En résumé, elle révèle ceci : les RSE coûtent cher (entre 4 et 5 euros par salarié) et n’atteignent que très partiellement l’objectif assigné, à savoir aider à casser les silos organisationnels. Pire, il semblerait qu’ils contribuent au contraire à les renforcer, puisque la majorité des communautés sont créées par des managers, et que la majorité des membres de ces communautés sont… leurs collaborateurs.
Il est donc prouvé (une fois de plus) qu’aucun outillage ne saurait transformer ni cultures, ni comportements. Soit… Mais l’urgence de la transformation digitale et collaborative des entreprises reste réelle, et il est utile de prolonger la réflexion au-delà de ce constat d’échec, en léger contrepied : questionnant ces résultats, faisons l’hypothèse simple que ce sont peut-être les objectifs assignés à ces outils qui ont conduit à leur échec partiel (et provisoire, sans aucun doute). Pour mieux rebondir sur le nouveau pari gagnant d’une nouvelle génération de projets RSE, sans précipitation !
J’identifie 3 erreurs ou méconnaissances majeures, qui, associées à la précipitation technologique qui prévaut généralement sur tous les sujets digitaux actuels, ont largement contribué à cet échec partiel mais rapide.
1/ Un collectif organisé en entreprise n’est pas une somme d’individus. La première erreur a été de croire que la montée de l’individualisme dans l’entreprise produirait le désir d’utiliser le RSE en tant qu’individu libre et seul responsable de sa prise de parole. Vrai sur Facebook, faux sur Facebook pro ! Flanqué de sa fiche de poste, de sa case dans l’organigramme et d’une série d’objectifs opérationnels à remplir, le collaborateur cherche avant tout l’information et l’échange directement utiles et sécurisants pour lui et son activité. Ainsi le RSE, dont le déploiement natif s’opère par l’individu est en soi anti-organisationnel et l’éloigne complètement de son écosystème et de son besoin de ré-assurance au sein de l’entreprise. Il faut donc accompagner solidement et durablement cette première étape fondatrice de placement de l’individu au cœur du système, et regarder quels éléments de la culture et de la communication de l’entreprise doivent être revisités préalablement.
2/ L’échelle de l’entreprise n’est pas celle de l’humanité. La deuxième erreur tient à un oubli, celui de la nécessité d’une taille critique pour faire basculer une culture. Facebook est utilisé par plus de deux milliards d’individus sur les 7 milliards que compte la planète, sauf par ceux qui n’en veulent pas, qui n’en voient pas l’intérêt, ou encore qui n’y ont pas accès. Et avec un « turn over » mondial. Ajoutons-y quelques critères de profil : appétence digitale, âge, milieu socio-culturel, localisation géographique, centres d’intérêt… et observons les cas réels où ce réseau social a fait « bouger les lignes du monde ». Transposons maintenant ces données dans l’écosystème fermé d’une entreprise de 7000 collaborateurs. Tenant compte de son turn over moyen et du milieu contraint présenté plus haut, quelle chance avons-nous de voir se produire un changement culturel par le seul réseau social ? Appliquant la théorie des petits pas, commençons par faire adopter le RSE par les équipes et organisations existantes, en fixant à l’outil ce seul objectif de leur devenir indispensable, en lieu et place des espaces partagés et de la sacro sainte messagerie.
3/ La mauvaise raison du nombre… La troisième erreur a quelque chose à voir avec le développement rapide de « poches de culpabilité », liées à la prolifération apparente du nombre de communautés. Très vite après le lancement d’un RSE, des communautés sont créées, de nouvelles chaque jour, et les responsables du RSE communiquent largement sur ces chiffres, comptant sur l’effet d’influence que ces chiffres produiront sur l’organisation. Or c’est l’effet inverse qui se produit : les réfractaires autant que les inquiets, les résistants et les « passifs » réagissent en opposition, tout en se sentant coupables de ne pas « oser y aller ». Ceux qui on intégré une communauté mais n’y vont jamais grossissent ensuite les rangs d’une population qui plus ou moins inconsciemment, culpabilise de n’être pas assez connectée. Et cela devient de fait « la faute des autres » : managers, dirigeants, collègues… Expliquer l’apprentissage nécessaire, valoriser ce que les échecs ont permis de comprendre, fermer les communautés inactives et communiquer sur la réussite des quelques-unes qui produisent de la valeur sera plus efficace pour incrémenter la culture digitale que de faire croire à une galopade digitale rapidement peu crédible.
Ces quelques propositions, faute d’aborder l’ensemble de la problématique complexe de l’intégration des RSE, ont l’ambition de proposer une approche plus pragmatique, confrontée au réel.
RETOUR PAGE D’ACCUEIL
Comments are closed.